L’ordonnance du 27 Avril 2018 autorise les consultants juridiques étrangers en France, oui mais à quelles conditions ?

Dans un objectif de mettre le droit français en adéquation avec les engagements internationaux pris par la France, l’ordonnance n° 2018-310 du 27 avril 2018 est venue introduire le statut de consultant juridique étranger pour les avocats inscrits aux barreaux d’États non membres de l’Union européenne. Ces dispositions sont entrées en vigueur à la suite de la publication du décret d’application n° 2019-849 du 20 août 2019.

Ce statut est prévu aux articles 101 à 107 de loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 qui viennent préciser les personnes visées, les conditions de recevabilité d’une demande et les champs d’activité concernés par ce statut.

Les intéressés au statut de consultant juridique étranger :

Aux termes du premier alinéa du nouvel article 101 de la loi de 1971, le statut de consultant juridique étranger est ouvert à tout :

« avocat inscrit au barreau d’un État non membre de l’Union européenne ».

De plus, ces avocats doivent être ressortissants d’un pays lié avec l’Union européenne par un accord commercial international prévoyant l’ouverture des services juridiques. A ce jour, peu d’accords sont entrés en vigueur (Cariforum, Chili, Colombie, Pérou, Corée du Sud, Moldavie, Géorgie, Ukraine, Amérique centrale, Royaume-Uni). D’autres accords sont en cours de ratification ou de négociation.

Les conditions à remplir pour accéder au statut de consultant juridique étranger :

Cet article 101 de la loi de 1971 vient également préciser que l’intéressé doit :
– N’avoir pas été l’auteur de faits ayant donné lieu à condamnation pénale pour agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs ;
– N’avoir pas été l’auteur de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d’agrément ou d’autorisation ;
– N’avoir pas été frappé de faillite personnelle ou d’une interdiction de la nature de celle prévue à l’article L653-8 du code de commerce ;
– Etre assuré pour les risques et selon les règles prévues à l’article 27 de loi de 1971 (RCP & NRF).

Le dernier alinéa de l’article 101 prévoit qu’il revient au Conseil National des Barreaux (CNB) de se prononcer sur les demandes d’autorisation d’exercer, que ce soit à titre temporaire et occasionnel ou permanent. Ces demandes prennent la forme d’une requête mentionnant les justificatifs des différentes conditions devant être remplies pour acquérir ce statut.

Les modalités d’exercice :

L’avocat ayant reçu une autorisation exerce l’activité de consultation juridique et de rédaction d’actes sous seing privé pour autrui sous le titre professionnel de l’Etat d’origine. La mention de ce titre professionnel est suivie de l’énumération des domaines du droit dans lesquels il est habilité à exercer.

Ces domaines sont limités par l’article 101 au « droit international » et au :

« droit de l’État dans lequel il est inscrit et des Etats dans lesquels il est habilité à exercer l’activité d’avocat, à l’exception du droit de l’Union européenne et du droit des États membres de l’Union européenne ».

Ce statut se limitant à l’activité de consultation juridique et de rédaction d’actes sous seing privé pour autrui, les avocats non européens ne sont pas autorisés à représenter ou à assister les parties en justice, conformément aux volets « services juridiques » des traités conclus par l’UE.

L’incertitude quant à la pratique de l’arbitrage international privé :

Il ressort de l’ordonnance et de la position du CNB que les consultants juridiques étrangers peuvent pratiquer en « droit international ». On pourrait donc en déduire qu’ils peuvent exercer dans le domaine de l’arbitrage international.

Pour autant, les traités internationaux peuvent avoir une définition différente des services juridiques que peuvent offrir les consultants juridiques étrangers. A ce titre, l’accord entre le Royaume-Uni et l’UE inclut dans les services juridiques l’arbitrage et même l’arbitrage international. Néanmoins, il n’autorise que « les services juridiques liés au droit de la juridiction d’origine et au droit international public ». On pourrait donc en déduire que seul l’arbitrage international public serait autorisé.

Il ressort de ces différences une incertitude qui, en l’attente d’une clarification des textes, impose une grande prudence et invite à se référer aux accords internationaux applicables afin de délimiter les pratiques autorisées par le statut de consultant juridique étranger.

L’association au sein de structures d’exercice :

Aux termes de l’article 104 de la loi de 1971, l’avocat inscrit à un barreau d’un Etat non membre de l’Union européenne peut exercer à titre permanent sur autorisation du CNB.

L’article 106 de cette loi vient préciser les différents modes d’exercice ouverts l’avocat inscrit à un barreau d’un Etat non membre de l’Union européenne en cas d’exercice à titre permanent :
– Il peut exercer selon les modalités prévues aux articles 7 et 8 de la loi de 1971. C’est-à-dire exercer à titre individuel, au sein d’une association, au sein d’une société, d’un groupement ou d’une société pluri-professionnelle d’exercice ;
– Il peut exercer au sein ou au nom d’un groupement d’exercice régi par le droit de son Etat d’origine, sous réserve de respecter certaines conditions relatives à la répartition du capital social et des droits de vote, à la composition du conseil d’administration ou de surveillance et à l’usage de la dénomination du groupement ;
– Il peut enfin exercer au sein ou au nom d’une société pluri-professionnelle d’exercice régie par le droit de l’Etat d’origine.

Il faut toutefois rester prudent, notamment quant à l’installation d’une structure étrangère sur le sol français sous le bénéfice de ces dispositions car une doctrine naissante semble considérer qu’une succursale d’un tel cabinet ne pourrait accueillir en son sein aucun avocat français dument inscrit à un barreau.

Cette doctrine semble à notre avis contraire sinon à la lettre, du moins à l’esprit du texte modifié de la loi de 1971.

Jérôme Depondt
Avocat au barreau de Paris
IFL-Avocats